Les retardateurs de flamme organophosphorés (RFOP) : une menace neurotoxique au quotidien

Les retardateurs de flamme organophosphorés (RFOP) sont des composés chimiques largement utilisés dans les produits du quotidien pour limiter les risques d’incendie. Toutefois, ces substances, initialement développées comme armes chimiques puis insecticides, soulèvent de sérieuses préoccupations en raison de leur toxicité avérée, notamment sur le système nerveux. Leur efficacité réelle face aux dangers qu’ils présentent pose aujourd’hui la question de leur utilisation et de leur régulation.

RFOP retardateurs de flamme organophosphoré dans le mobilier

Quelques éléments de définition

Les retardateurs de flamme sont des substances chimiques ajoutées aux matériaux pour réduire leur inflammabilité et ralentir la propagation des incendies. Ils sont couramment utilisés dans les textiles, les plastiques, les mousses et les équipements électroniques.

Les organophosphorés, quant à eux, sont une famille de composés chimiques contenant du phosphore. Initialement développés pour des usages militaires et agricoles, ils ont trouvé une nouvelle application dans l’industrie en tant que retardateurs de flamme. Cependant, ces substances sont aujourd’hui au cœur d’un débat scientifique et sanitaire en raison de leur toxicité potentielle.

Chronologie de l’utilisation des organophosphorés

Les armes chimiques : une utilisation mortelle

Les premiers composés organophosphorés ont été développés au début du XXe siècle pour des applications militaires. Parmi les plus connus figurent :

  • Sarin : utilisé dans plusieurs attaques terroristes, il provoque une paralysie rapide du système nerveux.
  • Soman et VX : hautement toxiques, ils agissent comme des inhibiteurs irréversibles de l’acétylcholinestérase, une enzyme essentielle au fonctionnement du système nerveux.
  • Novitchok : une famille d’agents neurotoxiques encore plus puissants, soupçonnés d’être responsables d’empoisonnements récents.

Une transition vers les insecticides

Après la Seconde Guerre mondiale, les organophosphorés ont été adaptés pour une utilisation agricole en tant qu’insecticides puissants. Parmi eux :

  • Chlorpyrifos : largement utilisé, mais aujourd’hui interdit dans plusieurs pays en raison de son effet neurotoxique.
  • Diazinon et dichlorvos : encore présents dans certains pesticides bien que leur toxicité soit reconnue.

Les retardateurs de flamme : une application industrielle controversée

Les organophosphorés ont finalement été intégrés dans divers produits de consommation en tant que retardateurs de flamme, notamment :

  • Triphenylphosphate (TPP)
  • Trichloroéthylphosphate (TCEP)
  • Trichloropropylphosphate (TCPP)

Les retardateurs de flamme organophosphorés sont des Composés Organiques Semi-Volatils (COSV). Ces substances se retrouvent dans des produits du quotidien tels que les matelas, les sièges de voiture, les meubles en mousse, les tapis, les rideaux et les appareils électroniques.

Effets sanitaires des RFOP : une toxicité avérée

Neurotoxicité et atteintes du système nerveux

Les retardateurs de flamme organophosphorés partagent des mécanismes d’action similaires à ceux des insecticides et des agents neurotoxiques militaires. Ils inhibent l’acétylcholinestérase, entraînant une accumulation excessive d’acétylcholine (neurotransmetteur) dans le système nerveux, ce qui peut provoquer :

  • Des troubles cognitifs et de la mémoire
  • Une altération du développement neurologique chez les enfants
  • Une augmentation du risque de maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson

Autres effets délétères

Les RFOP sont également suspectés d’être :

  • Perturbateurs endocriniens, affectant les hormones thyroïdiennes et reproductives.
  • Cancérogènes potentiels, avec certaines études suggérant un lien avec des cancers du foie et des reins.
  • Toxiques pour la reproduction, pouvant provoquer des troubles de la fertilité.

Présence des RFOP dans les produits de consommation

Ces substances sont omniprésentes dans notre environnement domestique :

  • Mobilier : canapés, matelas, tapis et sièges de voiture.
  • Électronique : ordinateurs, télévisions, chargeurs et câbles électriques.
  • Vêtements et textiles : tissus ignifugés, rideaux et tapisseries.
  • Jouets et produits pour enfants, exposant les jeunes populations à un risque accru.

Une efficacité remise en question et un rapport bénéfice/risque discutable

Si les RFOP réduisent effectivement la propagation des flammes, plusieurs études montrent que leur efficacité est souvent exagérée par l’industrie. En cas d’incendie, ces substances peuvent également dégager des fumées toxiques plus nocives que le feu lui-même, augmentant ainsi les risques d’intoxication.

De plus, leur persistance dans l’environnement et leur bioaccumulation posent des problèmes écologiques majeurs. Certains pays et organismes de santé appellent à une régulation stricte, voire à une interdiction progressive de ces composés.

Les retardateurs de flamme organophosphorés, initialement développés pour des usages militaires et agricoles, se retrouvent aujourd’hui dans de nombreux produits du quotidien. Bien qu’ils contribuent à limiter la propagation des incendies, leurs effets néfastes sur la santé et l’environnement soulèvent de sérieuses inquiétudes. Face à ces risques, il est essentiel de privilégier des alternatives plus sûres et de renforcer la réglementation pour protéger les consommateurs.

Sources: Retardateurs de flamme et effets sur la santé • Cancer Environnement, AVIS et rapport de l’Anses relatifs à la sécurité incendie des meubles rembourrés domestiques – Risques liés à l’exposition aux retardateurs de flamme dans les meubles rembourrés, Evaluation de la toxicité prénatale de retardateurs de flamme organophosphorés chez le rat. Effets endocriniens. – Etude – INRS, Les produits retardateurs de flamme présentent des risques pour la santé,

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