Bisphénol-A (BPA) : Attention à ses substituts toxiques
Le Bisphénol-A (BPA) est l’un des composés chimiques les plus controversés de ces dernières décennies. Utilisé massivement dans la fabrication des plastiques et des résines époxy, il est désormais au centre des préoccupations scientifiques et réglementaires en raison de ses effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement.
Si des mesures ont été prises pour limiter son utilisation, les substituts qui l’ont remplacé, comme le Bisphénol-S (BPS) et le Bisphénol-F (BPF), posent des questions sur leur innocuité. Cet article fait le point sur le BPA, ses impacts sur la santé et les dangers associés à ses substituts.
Le Bisphénol-A et la pollution de l’air intérieur
Le BPA est un composé organique synthétique largement utilisé pour produire du polycarbonate (un plastique rigide et transparent) et des résines époxy, présentes notamment dans des revêtements intérieur de canettes et des contenants alimentaires. Une exposition humaine au BPA peut survenir par ingestion (migrants dans les aliments et boissons), inhalation, et contact avec la peau.
Dans le contexte de la pollution de l’air intérieur, le BPA est libéré par la dégradation des matériaux plastiques, les poussières domestiques contenant du BPA devenant une source significative d’exposition. Les concentrations détectées dans l’air intérieur sont préoccupantes, notamment pour les populations vulnérables, comme les femmes enceintes et les jeunes enfants, en raison de l’inhalation prolongée dans des espaces confinés.
Les résultats des campagnes de mesure du BPA dans les poussières des logements en France sont alarmants et démontrent qu’il est présent dans tous les logements étudiés. Les occupants sont donc exposés à ce toxique de façon chronique, c’est-à-dire à de faibles doses mais de façon continue.
Effets du Bisphénol-A sur la santé : un perturbateur endocrinien avéré
Le BPA est classé comme un perturbateur endocrinien, c’est-à-dire une substance chimique interférant avec le système hormonal. Il peut imiter ou inhiber l’action des hormones naturelles, entraînant des effets délétères même à faibles concentrations. Les études montrent que le BPA agit principalement sur les récepteurs des œstrogènes et des androgènes, perturbant des processus biologiques essentiels tels que la reproduction, le métabolisme et le développement.
Quels sont les principaux effets sanitaires documentés pour le bisphénol-A ?
- Développement fœtal et infantile : Le BPA est associé à des anomalies du développement du cerveau, des organes génitaux et du métabolisme chez le fœtus et l’enfant.
- Système reproducteur : Une exposition au BPA a été liée à une baisse de la fertilité, des troubles menstruels et une altération de la qualité du sperme.
- Métabolisme : Le BPA est impliqué dans l’augmentation des risques d’obésité, de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires.
- Cancer : Des études expérimentales ont montré une corrélation entre l’exposition au BPA et certains cancers hormonaux, tels que ceux du sein et de la prostate.
Les substituts du BPA : de nouveaux dangers émergents
Face à la pression réglementaire et aux préoccupations croissantes des consommateurs, l’industrie a largement remplacé le BPA par d’autres bisphénols, notamment le BPS et le BPF. Ces molécules, structurellement similaires au BPA, ont été introduites comme alternatives « plus sûres » sans études toxicologiques approfondies au préalable.
Quel est la toxicité de ces substituts :
- Bisphénol-S (BPS)
- Bien que moins étudié initialement, le BPS est maintenant reconnu pour ses propriétés de perturbation endocrinienne similaires au BPA.
- Des recherches montrent que le BPS est plus stable dans l’environnement, ce qui prolonge son exposition et ses impacts potentiels.
- Il a été associé à des troubles métaboliques, des altérations du système nerveux et des anomalies dans le développement embryonnaire.
- Bisphénol-F (BPF)
- Le BPF présente une toxicité comparable, voire supérieure au BPA, notamment dans les effets sur la reproduction et le développement fœtal.
- Sa capacité à pénétrer les membranes biologiques soulève des inquiétudes sur son accumulation dans les tissus humains.
Pourquoi les substituts du bisphénol-A sont-ils préoccupants ?
Ces composés, introduits sans évaluation rigoureuse, illustrent un phénomène de « substitution regrettable », où une substance potentiellement dangereuse est remplacée par une autre tout aussi, sinon plus, toxique. Le manque de réglementation spécifique pour les nouveaux bisphénols a permis leur adoption rapide, malgré des données insuffisantes.
Les résultats des campagnes de mesures de ces deux substituts (BPF et BPS) montrent leur présence dans plus de 95% des logements étudiés. Comme pour le bisphénol-A, il en résulte une exposition des occupants des logements.
Aujourd’hui, les preuves scientifiques actuelles démontrent que les substituts du BPA, tels que le BPS et le BPF, ne constituent pas une solution sécuritaire. Leur structure chimique similaire au BPA entraîne des effets biologiques analogues, voire exacerbés, mettant en lumière les limites de la stratégie actuelle de substitution.
Pour minimiser les risques pour la santé publique, il est impératif de :
- Mettre en œuvre une réglementation stricte pour évaluer les substances alternatives avant leur mise sur le marché.
- Promouvoir des matériaux et des processus réellement sûrs et innovants.
- Sensibiliser les consommateurs à l’importance de réduire leur exposition aux bisphénols dans leur quotidien.
En conclusion, le remplacement du BPA par d’autres bisphénols constitue un leurre qui ne résout pas le problème fondamental de la toxicité chimique. Une approche plus globale et prudente est nécessaire pour garantir un environnement et des produits de consommation véritablement exempts de danger.
Crédit photo Juan Pablo Serrano sur Pexel
Sources: Bisphénol A | Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Bisphénol A (FT 279). Généralités – Fiche toxicologique – INRS, Bisphénol A – Canada.ca, Evaluation des dangers de composés de la famille des bisphénols | Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail