Phtalates dans les plastiques : Sont-ils responsables des problèmes de fertilité ?
Les phtalates sont des produits chimiques très largement utilisés dans les plastiques comme additifs. De nombreux phtalates sont aujourd’hui classé par l’Union Européenne comme toxiques pour la reproduction. Avec plus 400 millions de tonnes produite en 2022, notre exposition au plastique et aux phtalates qu’ils contiennent ont-ils des effets sur notre fertilité ?
Les phtalates c’est quoi ?
Les phtalates constituent une grande famille de produits chimiques dérivés de l’acide phtalique et principalement utilisés dans la production des plastiques. Ils sont ajoutés au polymère de plastique pour en modifier les propriétés mécaniques. Ainsi, certains plastiques contiennent jusqu’à 50% de phtalates en masse.
Les phtalates n’étant pas liés chimiquement au polymère (pas de liaison covalente), ce sont les premiers constituants des plastiques à se diffuser dans l’environnement lorsque les plastiques se dégradent : action de la chaleur on parle alors de thermo-dégradation, les rayonnements lumineux on parle alors de photo-dégradation et l’abrasion qui va produire et diffuser des microplastiques.
Comment sommes-nous exposés aux phtalate ?
Etant donné l’omniprésence des plastiques dans notre quotidien … nous y sommes tous exposés de façon chronique c’est-à-dire en permanence !
Un emballage alimentaire en plastique va diffuser des phtalates dans les aliments. Les populations sont alors exposées par l’ingestion des aliments.
Un vêtement en fibre synthétique va diffuser les phtalates par contact physique avec la peau. Les populations seront alors exposées par le transfert des phtalates dans l’organisme par voie cutanée.
Enfin, les moquettes, les tapis et les revêtements en plastique (sol, mobilier…), le matériel électronique (télévision, ordinateur, téléphone…) va diffuser des microplastique dans l’air et exposer les occupants par inhalation.
Les études scientifiques sont unanimes et démontrent que ce sont les premiers polluants organiques retrouvés dans les poussières des logements, dans les cheveux humains, dans l’urine et sur les bracelets en silicone en population générale.
Quelle sont les connaissances sur la toxicité des phtalates sur la fertilité ?
Les quantités de phtalates importées et utilisés chaque année au sein de l’Union Européenne sont importantes :
- Entre 10 000 et 100 000 tonnes pour le Phtalate de bis(2-éthylhexyle) (CAS : 117-81-7)
- Plus de 1000 tonnes pour le Phtalate de dibutyle (CAS : 84-74-2)
- Entre 1 et 10 tonnes pour le Phtalate de butyle et de benzyle (CAS : 85-68-7), pour le Phtalate de diisohexyle (CAS : 71850-09-4) et pour le Phtalate de di-n-pentyle (CAS : 131-18-0)
- Plus de 1 tonne pour le Phtalate de diisobutyle (CAS : 84-69-5)
Pour de telles quantités, la règlementation REACH de l’Union Européenne impose aux industriels et aux importateurs de fournir des informations précises sur la toxicité des phtalates.
Malheureusement, ces études sont couteuses et prennent du temps à être réalisées. Pendant ce temps, ils peuvent continuer d’être utilisé sans aucune restriction !
Au niveau de l’Union Européenne, les phtalates suivants sont classés comme reprotoxique (toxique pour la reproduction) pour l’Homme (R1B) : Phtalate de diisohexyle (CAS : 71850-09-4), Phtalate de diisooctyle (CAS 27554-26-3), Phtalate de diisobutyle (CAS : 84-69-5), Phtalate de diisopentyle (CAS : 605-50-5), Phtalate de dihexyle (CAS : 84-75-3), Phtalate de dibutyle (CAS : 84-74-2), Phtalate de dicyclohexyle (CAS : 84-61-7), Phtalate de bis(2-méthoxyéthyle) (CAS : 117-82-8), Phtalate de di-n-pentyle (CAS : 131-18-0), Phtalate de n-pentyle et d’isopentyle, Phtalate de butyle et de benzyle (CAS : 85-68-7) et Phtalate de bis(2-éthylhexyle) (CAS : 117-81-7). La liste est plutôt longue et indigeste pour les non-chimistes.
Ce classement implique des restrictions d’utilisation dans de nombreux produits de notre quotidien. Notamment pour les emballages alimentaires, les articles de puériculture, les cosmétiques, les jouets …
Plusieurs des phtalates de cette liste sont également connus pour leur propriétés de perturbateurs endocriniens. Ils agissent directement sur la production, le transport et l’action des hormones. Les hormones sont les messagers chimiques de notre organisme et permettent le bon fonctionnement de nos cellules.
Lorsqu’autant de produits chimiques de la même famille produisent les même effets, la question peut se poser d’étendre la restriction à toute la famille chimique sans attendre d’avoir les informations toxicologiques. Doit-on continuer à les utiliser ou à les substituer par d’autres produits de la même famille chimique ?
Quel lien entre l’exposition aux phtalates et la baisse de fertilité humaine ?
Au niveau historique, les plastiques ont commencé à être produits en masse dès les années 1930. Nous vivons donc depuis plus de 90 avec des plastiques dans notre vie !
Des études scientifiques ont pu mettre en évidence une baisse de la fertilité continue : en 50 ans, le nombre de spermatozoïde a diminué de 50% ! Autrement dit, un homme de 20 ans aujourd’hui est moitié moins fertile qu’un homme de 20 ans en 1970. Les scientifiques ont pu constater que la diminution du nombre de spermatozoïde s’accélère depuis l’an 2000.
Depuis plusieurs dizaines d’années, les consultations pour les problèmes de fertilité augmentent de façon inquiétante, avec des coûts conséquents pour les systèmes de santé. En effet, un couple sur huit (12,5% des couples) consulte aujourd’hui pour des problèmes de fertilité. Dans 10 à 25%, le problème de fertilité n’est pas attribuable à un défaut spécifique d’un des deux partenaires.
Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer la diminution des spermatozoïdes : Obésité et sédentarité, toxicomanie (tabac, alcool…), infections sexuellement transmissibles, ordinateur sur les genoux (surchauffe au niveau des organes sexuels), le recul de l’âge auquel les parents ont leur premier enfant et perturbateurs endocriniens. Vous l’aurez constaté, l’exposition à des substances classées toxique pour la reproduction n’est pas mise en avant !
Du fait de leur caractère reprotoxique des phtalates, les femmes enceinte doivent particulièrement faire attention à diminuer leur exposition aux phtalates pendant toute la durée de la grossesse.
En conclusion, il est clair que, même si elle n’est pas la cause principale des problèmes de fertilité, l’exposition aux phtalates y contribue de façon très significative. Pour les couple souhaitant avoir des enfants, il est donc recommandé de diminuer son exposition au plastique et aux phtalates. Il est aujourd’hui possible et très facile d’évaluer finement son exposition aux phtalates.
Crédit photo Ömürden Cengiz sur Unsplash
Sources :